L'instance Claude Raphaël Samama




Proses poétiques

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Proses poétiques

L'instance

Elle n'aurait cure d'objets réels du monde, visée seule, trame interne, la saisie pourtant et comme l'impossible de soi… Processus véloce de l'esprit. Dynamique d'agencement mental. Force, énergie. Interface, liaison entre le moi et le monde, la présence et mes intentions… Figuration, sa possibilité intérieure. Création, faculté d'invention, de rien, d'une substance mentale, psychique, intellectuelle et sensible tout à la fois. Pensée, vision. Les deux précédents ensemble. Tierce instance entre corps et esprit. Contingence du même. Projection de spirituel vers ce qui n'est pas encore. Pas l'intentionnalité déjà porteuse de sens. Là on ne sait où on l'on va. Mouvement pur de la trans-substantialité connaissante. Désir d'un en soi de nous qu'on peut dire inconscient - mais l'a-t-on alors pour autant nommée ? Désir extrême et comme pulsion, expression du…corâme. Désir-conscience. Quoi ? Chemin d'idéel, au-delà de ce qui est, du réel, du donné, du loisible, différent… Vouloir, subir et dépasser, d'où ? Vers quel lieu ou temps qui avant elle n'existe ? Chercher. Tu vas chercher !



Maintenant tu te tournes vers une intelligence humaine, un esprit fini mais qui la possède infiniment, sans limite... ou tu en dotes un être infini, non limité en lui-même… C'est comme une autre définition d'elle. Puissance alors... déploiement et non-rétention, voyage et non route assignée…défilement. Sans bornes. Force potentielle, informe, formante.
Peut-elle être dans la " raison " ? L'entendement, lui, n'a rien à y voir, il vient après... Plus proche en nous de Dieu - à cause que c'est par là qu'advient son idée ou sa grâce - que toute autre dite faculté. Accès par elle à l'illimité. Spontané, sans raison, libre vraiment. On ne pourra pas dire sans but, car on le dirait alors de la vie. Dès lors quadrature de tout cercle. Cerclage de tout carré. Circularité. Circulante. Irriguant. Interdite. Par qui ? Pourquoi ? Insidieuse néanmoins, sinuant dans les parois de l'être, courant le long de tout chemin, un peu sève, sang, lymphe spirituelle. En toute pensée le sel, l'acide sur le miel, en tout dire, assemblée, éventuelle phosphorescence.
Flamme sans hauteur fixe, fonction du matériau, blanche, jaune, bleue, double, triple. Consumance. Mouvement igné. Matière, énergie, ensemble conjuguées. Invisible. Voyante. Révélée. Obscurcie. Prégnante.
Matrice et dans le même temps semence.
Parfois des rejetons d'acéphales gnomes, des embryons de séraphins...



S'y mêle-t-il un écho du coryphée de la puissance toute... Parfois des hurlements d'Erinyes, exilées du même ciel accueillant... Du côté de Pandore... dans les malles d'Hermès... de tous faunes éveillés... tous satyres parus dont elle aurait reçu le branle ou bien donné le la... Avec le ciel, l'enfer et le purgatoire au milieu venant alors à s'enfuir ou d'elle-même s'effrayant, à cause que cela se peut évidemment que de tant elle s'apeure...
Geôle du possible et lors de l'impossible dont sa puissance décidera... Ferment. Levure du pain béni ou noir qu'elle accorde...
Ossements de soi perdu ou chair radieuse, parfois nerf ou sang de toute croissance insigne. Tissage de toison d'or.
Tracé marin des odyssées, de plus haut lignage ou de celui des sables où vient se faire entendre le chœur de ses échos et la langue de l'un.
Pendule très lent de l'exacte mesure du vivant qui s'échine à retarder son temps ou le veut plus rapide et croit deviner...
Rame de l'océan des discours.



On ne saura ton nom qui les possède tous. On parlera de toi, on singera tes noces en un mariage blanc. T'écrire vient à son heure en une miraculeuse pêche ou le lancer cruel plutôt du filet à papillons - morphides bleus, lourds phalènes... et vous daignez majestueuse et prodigue ! Ce champ est magnétique d'abord de rejet, d'attirance et dispose parfois ensemble, avec son assentiment - ce qui paraîtra d'apparence arbitraire - ce banquet de fleurs jamais encore parues, ces visages eux-mêmes happés par des regards et de son oeil, vus... Tant d'actions encore romanesques, de démiurgies divines ou insanes



... Qui fait paraître le chant et les chœurs ? D'elle, son diapason double, enchantée des yeux, de l'oreille, d'une fantaisie sans espoir et bien sûr une espérance... l'ailleurs, l'autre, en dépit, de surcroît.... Tant de raisons ici affleurent l'illustrant, lui donnant chair forçant le chant à l'amour, sa réciproque, destin oublié du départ, altance et crues, abaissements, métamorphoses et débâcle, tous les ciels débondés de la langue voyante, ses ailes en consolation d'autres, octroyées. Circé, Hellène, Rachel, Marie, Laure, Béatrice, entre la lumière et l'ombre, poursuivante, graduée ou nue, à quoi livrée sinon une essence d'elle-même se contentant. Abîme, grâce haute. Les anges ne sont qu'ailes du dedans déployées avant l'envol et le dédoublement.



Musique en est un autre nom où danse son vertige tenu, sa relance, son retour avec des souvenirs pieux du voyage, des élans remémorés - stases, silences, évidements... assonances où prend ses aises sa danse... son suspens. Voiles du corps, victoire de proue affrontant nue la mer et la nue ventée des légendes, croisière inopportune ou guidée, incertain parcours du libre l'azur, l'alizé, son zèle éponyme...
Vertige du ne plus et de l'encore.
Toujours, jamais, ensemble maintenus.
Presque là, hyperbolique tangente en équation aussi d'évidence...
Trace du divin plus que tout autre, mentalement suspendu à son respir partagé…hors d'une pesanteur raisonnée qui laisserait des traces... Ni le cercle, ni la droite. Pas moins l'oblique, le concave. De l'altier... du profond, avec réversible. De l'esprit la volupté, le désir de tout, de rien, l'idéal. Toi-même à la puissance portée de toi qui t'outrepasse étrangement... De là le mythe, son englobement, son sens de toute part à ta source inépuisée et en plus grand ta cause...



Rires d'anonymes passants et scène plus que tout... A ses tréteaux se sont juchés culs de jattes et nains, unijambistes, borgnes et obèses matrones, d'acéphales hercules …devant de scène sans portée... Permanent inouï, le seul impartagé et soi comme en genèse pris... une voyance neuve à déterrer...



Je ne puis pressentir sans être haletant, confondu, défaillant à ses bords intenables, fasciné… et tous d'ailleurs à sa solde prolétaires en servants adoubés... Je défaille d'entreprendre celle qui de son océan rapporte le trésor.
Tes flambées de tout bois hissent nos plus hautes flammes dans des lueurs d'aubes et d'univers... Il est de l'incendie plusieurs sortes.
La femme est, de ton vaisseau, l'infini combustible - enfin l'autre de qui parle - compagne, compagnon au sexe d'étincelles...
Que fit Dante selon toi, Apollon de Diane, Pétrarque à sa Laure ? Que furent Marguerite, Albertine ou Nadja.. ?
Son manque est un secret, une essence...
Fontaine dont je sourds ou dont je serais la source, elle-même à plus loin suspendue, eaux natales et secrètes...
Il faut vivre chaque heure telle l'inconnue à dévoiler dont l'habitude se défend. A la glace le regard. Avances dans le sable des mots…des dunes se forment d'entre la nuit et le vent. Méharée de silence et d'étoiles. La mort ce matin est cette prairie en fleurs et un peu ton offrande au-delà, en deçà de vivre.



Spectres insistant à toute clôture ou enfermement qui hanta les temps premiers du monde et aux derniers condescend de paraître quand trop pèse le vide des nuits et que les jours se ressemblent.
Attente désespérée qui après tout pourrait n'avoir pas lieu. Tremblement incertain d'exister. Feu exténué qui se peut appeler miracle à cause d'une mystérieuse obstination…
Est-on seul quand un peuple de mots vous envahit où vont mêlés des clameurs de prophètes et de gueux à l'assaut des vastes plaines interdites du silence, ton jardin avant toute floraison ? Des royaumes et des princes naquirent de la parole s'exagérant, car pourrait aussi bien régner un infini muet de rien... Nés d'un lancinant appel, calculés d'une cause.
Voilà surgi un ballet de dieux, leurs manèges interpellés ou en nous plus juste qu'on épelle.
Embrasement possédé de lumière dévorant à mesure un équivalent matière, connaissance conquise de l'éclat à la cendre, flamme spirituelle qui s'attache et défait toute pesanteur… Instant où le néant de l'être fou, de noces sacrales copule, rougeoie de braises effaçant toute trace.

Mémoire seule généreuse d'un recommencer possible que tu ne tiens et offres à chacun, d'une rémanence qui t'outrepasse, te prend, te tient, te lance…telle la douleur et ce désir finalement étrange d'insister encore...