La France en crise Claude Raphaël Samama




Sociologie culturelle

La France en crise

Articles et revues

Sociologie culturelle

2019

La France en crise I et II

La France en crise

La France en crise I

Décembre 2018

On parle beaucoup. Tous. Chaos dehors. Surprise, affolement dedans. Cacophonies.
Peu font la lecture « psychanalytique » d'une dramaturgie non apparente qui serait celle du fils (ou de la fille) et du père, et bien sûr au pluriel, des fils (ou des filles) et des pères – pas forcément, la lecture "chrétienne" trinitaire, encore que.
Il s'agirait ici des vieux "pères" n'acceptant pas la morgue du fils, son arrogance vis-à-vis d'eux qui lui ont tout donné... Il pourrait bien s'agir aussi des fils (des frères) rivaux entre eux parfois et souvent contre celui parmi eux – n'étant pas forcément l'aîné – qui en rajoute et voudrait faire à tous la leçon !
Les voilà, alors, tous ou presque contre celui qui se voudrait un "père" et délégitime un statut qui n'a d'autres appuis que formels (une supposée majorité électorale) ou sources, qu'une ruse (une stratégie personnelle habile, peu étayée) pour conquérir puis occuper sa 'place'...
C'est dans cette configuration, « familiale » et conflictuelle, qu'un imaginaire socio-collectif autant que des inconscients individuels peuvent entrer dans une guerre fantasmatique avec un certain Pouvoir arrogant, devenu insupportable et considéré dés lors comme usurpé car ne respectant plus la Justice qui serait une loi ultime...
Le fait du prince mal conseillé, le déni des réalités de la tribu, la mise entre parenthèses des liens locaux authentiques et des mémoires enracinées, la surdité devant la dénonciation du partage inéquitable des richesses, sont dans les vues d'un membre distingué d'une famille malmenée. Celle-ci alors se rebelle contre le fauteur de troubles dans une société épuisée, où la psyché d'une nation a sa part. Appliquez ici le complexe d'Œdipe sur un plan national où la France est la mère, avec ses fils, ses filles « castrés » et ce père là, les processus du refoulement et du défoulement, des complexes résultants et des fantasmes libérés, vous obtenez une symptomatologie politique violente actuelle...
Certains voudraient être père, sans l'être ..!
Devant une telle situation, il faudrait un conseil de famille, où les « pères », les « mères », les « fils » et les « filles » niés auraient leur mot à dire à celui d'entre eux qui transgresse la loi d'amour (le respect) et d'équité (le juste).
En d'autres termes, l'issue d'un conflit – qui est certes économique comme toujours – mais ici largement « transférentiel », devrait être la désignation d'une nouvelle Assemblée (nationale) – une ‘'légitimante'' –, s'il faut avancer un néologisme. En 1997 Jacques Chirac avait bien dissous et reconstitué un parlement pour des raisons bien moins graves…
Le peuple peut se tromper, mais il sait mieux souvent que d'autres, il sent, ressent, peut aussi préssentir et a droit de juger au nom d'une Loi d'humanité plus profonde.
C'est de cela peut-être qu'il s'agit avec la famille nombreuse et éprouvée des « Gilets jaunes », la couleur du soleil.
Dieu le père – le vrai – n'accorde pas, sa paternité à tous les prétendants… Il reconnaîtra les siens, s'il a à en connaître !
Avis.
Décembre 2018


La France en crise II

Février 2019

Tout sur la table ? Bon. Ces débats d'idées, ces échanges multiples, dedans et ces rassemblements, dehors font sortir les gens, les problèmes, des choses cachées, refoulées, indignes, honteuses, inadmissibles, ou porteuses d'espérances, c'est bien. Cela ne peut pas faire de mal à la société, à une France divisée, malmenée, stressée ou parfois angoissante pour ses citoyens inquiets, désorientés, pressurés ou appauvris.
Dans un premier temps, on pouvait s'interroger sur la réponse que ferait à diverses interpellations, un fils irrespectueux, transgressif et arrogant, contesté par des pères ayant le sentiment d'un mépris et d'une illégitimité idéologique...Ce fils a su ne pas trop mal écouter et réagir assez habilement jusqu'à présent !
Toutefois, voir un homme, fût-il très intelligent, convaincu, subtile, souvent sincère, maître apparemment de tous les dossiers, descendre ainsi dans l'arène pour se confronter, presque seul, à son peuple, c'est moins intéressant ou porteur de véritable espérance !
On a le sentiment, à voir les débats organisés autour de la seule personne d'un Président qui aurait toutes les réponses, toutes les solutions sur tout et universellement, d'une séquence spectaculaire, impressionnante, réaliste certes, mais irréelle... Comment un homme ainsi investi de tous les savoirs, les techniques, les dossiers, disposant de toutes les manettes du pouvoir, serait-il crédible ? Personne ne peut croire à cette supposée capacité, virtuelle et dépendante d'autres impossibilités (ou limites) de tenir toutes les promesses instantanément, et simultanément ou presque. Dans un univers hypercomplexe et mondialisé, dans une Europe qui tient divers cordons, dont celui de la bourse...! On verra bien. Je n'y crois pas trop. La méthode – dans la forme comme dans le fond – relève d'une verticalité extrême, d'une centralité terrifiante, d'une concentration des pouvoirs de gouvernement et de décisions qui la rend caricaturale et par le fait inefficace, puisque beaucoup en contestaient déjà la pertinence et surtout, de ne pas faire a minima, ses preuves. Selon une telle modalité "jupitérienne" ou monarchiste, justement. Cqfd

Ce bref et provisoire commentaire voudrait surtout signaler une absence qui paraît très grave et relativise singulièrement la portée et l'efficacité des débats actuels. Il s'agit de la question de la Décentralisation. Les lois de 1982 portées par G. Deferre avaient instauré celle des Régions et de plusieurs institutions, par déconcentration et délégation aux collectivités opérationnelles, aux assemblées élues qui représentent les vrais acteurs. Reprises, prolongées, amplifiées ou restreintes par plusieurs textes législatifs à la suite, de 2003 à 2013, une décentralisation délestant Paris et l'Elysée de leurs pouvoirs centripètes, n'a jamais vu le jour. Il est clair que la plupart des problèmes, des difficultés, des "souffrances" invoquées, des conflits irrésolus, des aspirations d'aujourd'hui, en relèvent. On n'évoque jamais la véritable "délégation", le partage effectif du Pouvoir comme un modèle à établir, à déployer, développer. Jacobins, oui... Girondins absents..! L'emploi, la santé, les transports, la formation, le logement, l'agriculture, le tourisme, l'aménagement, évidemment la culture, en relèvent.
Pourquoi laisser encore un Roi gouverner encore ses Provinces, aujourd'hui malheureuses, révoltées, frustrées, insatisfaites ou jalouses… A bout. Pour tout, inclus dans le détail, le local, le spécifique, on se tourne vers un Etat tout puissant, figuré par la personne de son Président-Souverain détenant et peut-être abusant (par méconnaissance et éloignement des réalités du terrain) de pouvoirs certainement exorbitants ! La politique consiste souvent à gérer, à financer, répartir. Pourquoi entre les mains finalement, d'un seul ? La solution des référendums nationaux, qui par ailleurs seraient trop nombreux sans épuiser la multiplicité et la complexité des problèmes en cause, ne serait pas ici suffisante, laissant la suite d'une exécution à des pouvoirs encore verticaux...
Décentraliser, rendre le pouvoir aux territoires, aux régions, à leurs provinces, à leurs peuples, leurs gens, leurs campagnes, leur histoire.... Mais réellement ! De cela on ne parle pas vraiment. C'est pourtant une grande clef d'organisation, de vie, peut-être d'harmonie à une échelle plus authentique. Et pourquoi pas, de restitution...
En Europe, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne, ailleurs, les Etats Unis, le Canada sont bien plus en avance sur ce terrain d'états centraux puissants qui fédèrent plus qu'ils ne gèrent ou imposent ! La Communauté européenne où l'on veut se fondre ne prendra pas forcément cette voie. Décentraliser. Libérer.

Février 2019



(c) Claude-Raphaël SAMAMA